1930 - N° 38 - Un modèle ouvrier

Un modèle de Jociste

Le 24 septembre, il y aura fête dans la fédération de La Louvière. Son président, Louis Dereau, conduit, ce jour-là, à l’autel celle qui, depuis deux ans, est sa fiancée : Mlle Suzanne Joos,

Mais il y a fête aussi dans toute la J. O. C., car la personnalité, de notre cher camarade Louis s’était affirmée si magnifiquement à plusieurs reprises dans nos congrès, que vraiment l’on peut dire : Louis Dereau c’est un des chefs de la J. O. C.

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Dereau, c’est l’enfant du peuple, élevé dans une famille sans aisance, mais rudement travailleuse. Ecolier, son intelligence ne se lasse pas de saisir les bribes d’instruction qu'on lui donne.

Le voilà apprenti dans un grand atelier de sa région. C’est alors qu’il rencontre M. l’abbé Scarmure. Au contact de cette âme ardente, l’apprenti traceur allait devenir dans son atelier un vrai meneur.

Mais j’hésite... Puis-je dire tout ce que je sais ? Puis-je dévoiler les tracas, les brimades dont Louis Dereau fut victime dans les ateliers où il vécut ; puis-je surtout dire en public comment il les supporta et comment il sut se faire respecter et aimer ?

C’est que le jeune ouvrier qui au congrès de Namur prononça avec tant de flamme la phrase devenue célèbre et qui fut redite au Saint-Père lui-même : « Nous serons, dans les usines modernes, les missionnaires aux mains noires mais à l’âme blanche et rayonnante », était devenu peu à peu pour ses compagnons de travail, tous incroyants, tous socialistes, un témoin de la doctrine du Christ.

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Après tout, pourquoi me taire ?

En résumant les six années jocistes d’un dirigeant, je ne fais que rendre justice à ceux qui, incontestablement, ont fait réussir la J. O. C. par leur cran et par leur amour du Christ.

En 1925, Dereau travaille dans une usine de 200 ouvriers. Il est seul syndiqué chrétien et jociste.

Comme bien on pense, il fut traité de « jaune », de « bouya ». On lui vola son insigne, on essaya de lui faire subir trente-six polissonneries..., sa fermeté jointe à une continuelle bonté allaient désarmer successivement ses compagnons de travail.

Et ce qui est mieux : il devint leur ami, leur grand ami, au point que lorsqu’il quitta son atelier pour devenir propagandiste de la J. O. C., on lui remit un cadeau et on lui demanda de revenir dire bonjour.

C’est que dans son attitude, dans ses entretiens, dans ses démarches, Louis Dereau avait démontré lumineusement à ses compagnons qu’on peut être un chrétien modèle et un défenseur passionné des réformes sociales légitimes. On ne lui jeta plus à la face, quand on connut ses opinions et sa conduite, que la religion est le garde-corps du capitalisme, que les ouvriers chrétiens sont des résignés, des moules.

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Je sais qu’au cours de ces huit années d’usine, Louis Dereau souffrit beaucoup en voyant la misère morale et intellectuelle de la masse ouvrière. Lui qui, chaque matin, avant d’entrer à l’atelier, allait se nourrir du Christ, se rendait compte de l’immense travail de redressement que la J. O. C. devra mener pour que dans le monde moderne les ouvriers aient leur part de beauté morale et de joie chrétienne.

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Que les jeunes suivent les traces de celui qui devient maintenant un de leurs aînés.

Il n’y a que la J. O. C. qui peut faire surgir de la jeunesse ouvrière des jeunes types de premier plan, décidés à rester franchement ouvriers. Que les jeunesses socialistes nous montrent des chefs ouvriers, virils, honnêtes, désintéressés, comme ceux que nous avons chez nous ?

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Oui, le 24 septembre, il y aura fête à La Louvière : un dirigeant jociste, heureux et fier de sa jeunesse ardente, honnête, dévouée, va se marier. Pour lui comme pour sa fiançée, la jeunesse fut le temps de l’épreuve, du sacrifice, du renoncement, de l’épargne.

Quelle leçon aux jeunes fêtards, aux jeunes gaspilleurs d’aujourd’hui arrivant au mariage flétris, vaincus, titubants, vannés.

Louis Dereau et Suzanne Joos ont suivi le solide conseil de Lacordaire :

« Cherchez donc, non pas l’or visible, mais l’or invisible; demandez-vous si le sang qui va se mêler au vôtre contient des traditions de vertus humaines et divines, s’il s’est longtemps purifié dans les sacrifices du devoir, si la main que vous allez recevoir s’est jointe à l’autre main pour invoquer Dieu, si les genoux qui vont se ployer devant l’autel avec les vôtres sont accoutumés et heureux de s’humilier ainsi ? Demandez-vous si lame est riche de Dieu ? »

Au nom du comité général, je remercie Louis de ce qu’il a fait jusqu’ici pour la J. O. C. et je souhaite à son nouveau foyer tout le bonheur que Dieu donne.

Fernand TONNET.

SOURCE

JOC, N° 38, 20 septembre 1930