1924 - N° 8 - Deux hommes courageux

Deux hommes courageux

Les socialistes de Lambusart, commune du pays de Charleroi, sentaient la nécessité de tenter un essai éducatif pour la masse de leurs membres. Leur choix s’arrêta sur l’organisation d’une soirée dramatique et sociale ayant à son programme une pièce dégoûtante où l’on représentait des prêtres se méconduisant...

Que voulez-vous certains socialistes ont toujours eu un goût prononcé pour les saletés.

Donc, voilà nos socialistes de Lambusart, lancés dans la propagande et la réclame pour leur soirée dramatique et sociale... Quelques catholiques de l’endroit se mirent à mener une contre-propagande... Furieux, les socialistes annoncèrent pour le 26 juin une conférence publique et contradictoire sur la Religion, la morale catholique, les curés, etc., etc...

Nos amis, les avocats Renchon et Bodart, quoiqu’avertis au dernier instant se présentèrent à la réunion.

Après que le président du meeting eut demandé aux contradicteurs de se faire inscrire et que les conditions de parole eussent été fixées, le citoyen R. Thone, prit la parole et, au grand é...thon...nement de tous, exposa à son auditoire la politique socialiste belge depuis l’armistice...

Jean Bodart, qui est un des dirigeants du mouvement ouvrier chrétien de l’arrondissement de Charleroi, eut beau jeu à enfoncer le citoyen socialiste.

D’ailleurs voici, résumée d’après le Pays Wallon, sa riposte :

Je remercie les auditeurs qui, malgré les fatigues d’une journée de travail et le sourire engageant du soleil, ont bien voulu s’imposer la fatigue de quelques heures dans une salle surchauffée.

L’exposé du citoyen Thone m’a déconcerté. Je relis les termes du défi qui nous a été lancé. Nous devions discuter ce soir la question de la morale, et de la religion. Le citoyen Thone devait nous révéler ce qui se passe chez les prêtres, « ces soi-disant défenseurs de la vertu ». J’ai suivi attentivement son exposé. Je n’ai entendu aucune révélation ni même aucune allusion à ce sujet. J’en conclus que le citoyen Thone n’a pas de révélations à faire, ou qu’il les sait si peu sérieuse que la seule présence de contradicteurs suffit à l’empêcher de les sortir. J’en prends acte mais je souligne que cela n’est ni courageux loyal.

On invoque les réformes de la période de collaboration socialiste d’après- guerre. Quelle est que les catholiques, et spécialement les démocrates chrétiens, ont combattue, ou même n’ont pas votée ! Quelle est celle que les socialistes auraient pu réaliser s’ils n’avaient eu leur appui ?

C’est à notre collaboration que vous devez les le fonds de envisage, le ministère du ravitaillement, les pensions de vieillesse, les habitations à bon marché. J’ajoute que celles de ces mes car furent le plus profitables à la classe ouvrière furent celles où l’influence socialiste fût le moins sensible. Faut-il rappeler, par exemple, que le ministère du ravitaillement devint rapidement excellent fromage exclusivement réservé aux copains et un charge formidable pour la collectivité ?

Sabotage des réformes ouvrières depuis 1921 ! Pas de la part des démocrates chrétiens en tous cas. C’est eux qui ont sauvé la loi des huit heures et pour le faire ils n’ont pas reculé devant la nécessité de voter contre le projet d’un ministre catholique !

Pas en ce qui concerne les pensions de vieillesse ! Les affiches bariolées « Pensions gratuite ; deux francs par jour »,qui couvrent lés maisons du Peuple en période électorale constituent un gigantesque mensonge, puisque les deux francs ne sont attribués, après des enquêter odieuses, qu’a ceux qui justifient être dans la misère. Nous voulons, nous, que la pension  des travailleurs soit autre chose qu’une aumône : un droit comme le salaire.

Je mets en garde les ouvriers chrétiens qui m’écoutent contre le mensonge qu on leur répète sans cesse : les syndicats socialistes n’en veulement pas à la religion ! Le défi qui nous a été lancé ce soir au nom de tous les groupes de la Maison du Peuple de Lambusart prouve une nouvelle fois au contraire que le socialisme est bâti sur l’anticléricalisme. C’est sa grande faiblesse et c’est aussi sa lourde responsabilité vis-à-vis de la classe ouvrière. Au moment où la réaction est toute puissante, où elle triomphe en Italie et en Espagne, où elle organise chez nous le Faisceau Belge, les Unions Civiques, les offensives contre les huit heures, la classe ouvrière a besoin d’être forte et organisée. Pour lui laisser la Foi en la fraternité, nécessaire à l’organisation syndicale, il ne faut pas lui arracher du cœur la croyance en Dieu.

Cette réplique, bourrée d’arguments, impressionna l’auditoire... qui se mit à regarder narquoisement le comité organisateur et les orateurs socialistes.

Le citoyen Fesler, deuxième orateur, peu désireux de repêcher son collègue essaya de répondre à notre ami Bodart, en parlant des bienfaits du Ministère Wauters.

L’avocat Renchon s’attaqua surtout au programme socialiste.

Maintenant que nous sommes sortis vivants, mais combien meurtris des horreurs d’une guerre extérieure, au lieu de vous prêcher la paix, les chefs socialistes vous poussent à la guerre civile par la lutte des classes. C’est commode pour eux qui ont soin de disparaître lorsqu’il y a des coups à recevoir, c’est profitable aussi car ils rivent de vos sacrifices.

Ne vous demandez-vous donc jamais où vont vos grosses cotisations, lorsque vous avez sous les yeux les repus du socialisme qui ne luttent même pas dans les organisations syndicales avec les difficultés de chaque jour, mais qui ne font que trôner dans les salles de rédaction ou dans les assemblées politiques sans avoir à redouter jamais la grève ni le chômage, ni leurs redoutables effets.

La lutte des classes est une hérésie. Pour produire, il faut le capital et le travail. Si le capital écrase le travail ou si le travail écrase le capital, il n’y a pas de production ni de prospérités possibles. Le progrès et le bien-être de tous ne peuvent naître que de leur collaboration dans la justice et dans le respect du droit de chacun. C’est la lutte des classes, c’est le socialisme logiquement appliqué qui a conduit la Russie tout entière aux brutes du bolchevisme.

Il y a deux mille ans est venu sur le monde un homme, un Dieu, qui est venu révéler « la Voie, la Vérité et la Vie » à l’humanité courbée sous la misère. Cet homme, ce Dieu, c’est Notre Seigneur Jésus-Christ.

Il n’y eut qu’une faible riposte d’un orateur socialiste... puis la foule sortit... commentant la courageuse attitude... et l’éloquence convaincante des deux orateurs catholiques.


Nous sommes heureux de féliciter, au nom des jeunes ouvriers chrétiens de Wallonie et de Bruxelles, les deux vaillants orateurs qui osèrent défendre nos idées chrétiennes à la maison du peuple de Lambusart.

Il faut que cet exemple incite nos compagnons à se préparer avec acharnement à être aussi des hommes qui sachent, à l’occasion, prendre la parole pour exposer aux publics ouvriers l’action religieuse et sociale du Christianisme.

Il n’y a qu’à vouloir. L’on se prépare à ce rôle par l’étude, par la lecture, parla propagande... et si l’éloquence n’est pas donnée à tout le monde... il y a la conviction raisonnée et documentée... qui la remplace...

En attendant ces bons propagandistes de de demain... applaudissons MM. Bodart et Renchon.

Fernet.

SOURCE

La Jeunesse Ouvrière, N° 8, août 1924