1927 - N° 2 - L'Apostolat de l'épargne

L’Apostolat de l’Epargne....

Oui... par les temps que nous vivons l’Epargne est un apostolat. Et il faut le mener rondement, cet apostolat... par des conversations et des conseils, des causeries, et surtout par la fondation de caisses d’épargne dans toutes nos sections.

Vous savez où va l’argent de la majorité de nos jeunes camarades ? Dans la caisse des dancings, des cinémas, des cafés, ou bien il se fond dans la mise des jeux de cartes, dans les paris sportifs, etc.

A la J. O. C., nous disons que cela doit changer. Les salaires de nos ouvriers ne sont pas gagnés pour enrichir les rastaquouères qui dirigent des mauvais lieux de plaisirs ou les vicieux qui incitent les plus jeunes de leurs compagnons à jouer aux cartes pour beaucoup d’argent.

A Liège, lors de 4e Journée d’Etudes du 12 décembre, l’on a signalé les faits suivants :

Aux Ateliers G..., un jeune ouvrier a perdu cet été, en jouant au 21, une somme de 600 francs.

Les ouvriers du pays de Huy se rendant à Liège jouent souvent aux cartes dans le train. Les jeux en honneur sont : le 21, la banque russe ou le whist avec des enjeux élevés. Quotidiennement, en une heure de trajet, des ouvriers perdent vingt, trente, quarante francs !

A la « B. B. Co », de Liège, un jeune ouvrier se vante de dépenser parfois plus de 100 francs en un dimanche;

A Jemeppe, des jeunes ouvriers de 17-19 ans ont reçu de leurs parents des sommes de 150-100 francs pour leur Saint-Nicolas;

Dans la région de La Louvière. les jeunes ouvriers dépensent beaucoup dans les salles de danse : vingt à trente francs en moyenne chaque dimanche;

A Bruxelles, les apprentis et les jeunes ouvriers dépensent certains dimanches des sommes de la même importance.

Ah ! si l’on pouvait faire le calcul de l’argent ouvrier, du capital ouvrier qui chaque dimanche s’engouffre dans les boîtes à jazz-band du pays, comme l’on serait épouvanté !!!....

Camarades de la J. O. C. soyez des modèles d’épargne...

Autour de vous, l’on vous ridiculisera, l’on vous dira qu’il faut prendre le plaisir quand on peut, qu’il faut s’amuser quand on est jeune, que lorsqu’on est mort tout est fini… ; l’on vous dira bien d’autres choses. Ne les croyez pas.

Epargnez. (Mettez chaque dimanche quelque chose de côté pour votre .livret et allez ensuite vous amuser dans des endroits sains, honnêtes. Car vous avez le droit de vous amuser.

Certains diront peut-être que mon article va permettre à d’autres d’attaquer la classe ouvrière...

Je leur réponds d’avance : Retirons nos jeunes camarades des griffes des plaisirs coûteux, des plaisirs mauvais, des jeux de hasard, des paris; griffes qui les saisissent dès qu’ils sortent de l’usine... car à la porte des certaines usines l’on fait jouer les « violes » des cabarets, à la sortie des ateliers : délivrons-les de ces chaînes, affranchissons-les de cet esclavage, et nous aurons permis aux jeunes travailleurs de la première moitié du XXe siècle de conquérir le respect et l’estime de toute la société. C’est cela qui importe.

Epargnons... Notre exemple tenace convertira ceux qui maintenant vont compromettre la réputation de la classe ouvrière dans les mauvais lieux de plaisirs.

Epargnons ! Si nous le voulons, il y aura à la fin de 1927 250 mille francs dans nos caisses d’épargne.

Ce jour-là, nous inviterons Theunis ou Francqui ou Houtart à un souper et nous stabiliserons les finances jocistes !

FERNET.

SOURCE

La Jeunesse Ouvrière, N° 2, 20 janvier 1927.