1924 - JO - N° 7 - Fascisme

FASCISME ! !

Nous n’en avons jamais parlé... l’on en parlait trop dans les journaux. Nous avions peur de suivre la mode et nous jugions que la question n’était pas si brûlante que ça. Entre nous, je rageais bien quelque peu de lire les élogieuses chroniques de nos journaux sur le fascisme et ses chefs.

Les incartades d’un brave professeur devenu sur-nationaliste, au matin du 12 novembre 1918 et que nos amis du Hainaut ont l’honneur de compter parmi leurs concitoyens, m’avaient remis de ma mauvaise humeur. Cristi ! ce que j’ai ri en me représentant la scène où le professeur-journaliste-diplomate, reçu par Napoléon Mussolini, lui disait en entrant : « Fascis-tissime. Excellence.,, je vous apporte les hommages de quatre pelés fascistes de ma ville et vous souhaite un long règne parsemé de fleurs de ricin. » Le professeur a raconté son entrevue dans une revue de Bruxelles avec force détails et il a même remis à Mussolini, un symbolique envoi : une matraque splendide... en chocolat avec manche d’argent ciselé… !

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Il y a plusieurs semaines, une convocation dont on trouvera le texte ci-dessous, m’était adressée... Quelle fine blague ! Puis, à quelques jours de là, je lus dans « La Croix », journal plutôt sympathique au Fascisme, des articles qui m’émurent... L’on y relatait les exploits de fascistes pendant la période électorale et l’on protestait.

Cela m’a désarçonné ! Comment, voilà des gens qui ont organisé des bandes avec les traînards de tous pays, les ont militarisé et les ont lancé depuis deux ans sur toutes les œuvres ouvrières et sociales organisées par les communistes, les socialistes et les abbés démocrates d’Italie. L’on a démoli, incendié, assommé, tué des gens de ces trois partis... et l’on s’est tu... nos bons journaux de France, de Belgique n’en ont soufflé mot, ou très discrètement... Maintenant que les fascistes s’en prennent non plus seulement à des vicaires démocrates, mais à des curés, à des archi-prétres, à des chapelles, à des processions, on trouve qu’ils vont trop loin...

Nous... nous disons que les procédés fascistes n’ont pas changé ; nous disons que si notre voisin est bolcheviste et qu’un apache vient l’assommer, nous devons dire que l’assommeur est un apache, sans attendre que nous soyons nous-même ses victimes.

Voilà de la justice... de la loyauté... et à agir ainsi notre renom catholique y gagnerait....

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Au fond du fascisme vous retrouverez comme hommes, des aventuriers audacieux et intelligents, qui ont profité du gâchis de leur pays pour s’emparer du pouvoir, des ambitieux bavant d’impatience d’arriver, qui sautèrent dans la barque d’en face et se réveillèrent un beau matin, patriotes à tout casser...

Vous retrouvez comme idées maîtresses : la lutte contre la classe ouvrière, et contre le christianisme. Hors de çà, il n’y a rien dans le fascisme. Quand ils prétendent qu’ils ont sauvé leur patrie, que depuis leur règne il y a des usines qui marchent, et des magasins bien fournis, demandez-leur d’où sont venus les capitaux pour ces usines, vous aurez la réponse et vous retrouverez là aussi des aventuriers de la finance internationale.

Et puis, si tout marche bien en Italie, pourquoi tant d’Italiens dans nos contrées ? Les dernières entrées d’Italiens en France se chiffrent par deux, trois mille chaque semaine.

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Etudions le fascisme, documentons-nous à ce sujet (voir les extraits ci-dessous).

Pour nous, ouvriers chrétiens, notre attitude vis-à-vis du fascisme nous est dictée, impérieusement dictée par notre doctrine sociale qui nous impose vis-à-vis de tous, amis... faux-amis, ennemis, la même obligation de concorde, d’amour et de paix.

Entre la méthode fasciste, qui embrigade les gens par la terreur, le gourdin et le browning et la méthode séculaire de l’apostolat catholique, qui attire les coeurs par la pureté étincelante des vertus chrétiennes ; nous n’avons pas hésité, nous qui n’avons pas fait de théologie, ni d’études universitaires. Nous prétendons... et l’Histoire est là pour le prouver à chaque chapitre... que ceux qui se sont servis de la violence pour régner, n’ont guère blanchi au pouvoir.

Il importe toutefois d’être prudents... clairvoyants, et nous comptons, pour cela, reprendre la question dans de prochains articles. Aussi bien, les considérations jetées hâtivement ici, n’ont pour but que d’attirer l’attention de nos camarades. Nous ne disons pas à nos camarades : Retroussez les manches... l’on va se battre... Nous leur disons : L’on fait reculer une méthode par la propagande d’une autre méthode. Faites-vous des amis, de fraternels amis parmi vos compagnons de travail, relevez leurs cœurs et leurs âmes. Donnez-leur l’idéal chrétien... car, les masses ouvrières qui se détournent du Christ ...qui désertent l’église de la paroisse, sont une proie facile au fascisme.

Oui, voilà du travail pour vos bras, camarades, un idéal pour vos cœurs ouvriers, une mission pour vos loisirs... Vous n’allez pas reculer... n’est-ce pas, vous qui avez 16, 18, 20 ans. Etudiez, lisez, discutez, apprenez à parler en public... priez... puis allez porter la vérité à vos compagnons.

Si vous faites cela, les aspirants fascistes de notre pays n’oseront pas essayer leur méthode à une Classe ouvrière forte d’une force digne et calme. Ils resteront tapis dans l’ombre déserte de leurs locaux et leurs chefs, littérateurs et journalistes qui firent la guerre dans les tranchées du Havre ou de Paris, n’oseront jamais se frotter à la classe ouvrière.

FERNET.

P. S. Cet article étant écrit depuis deux mois, l’on n’y fait aucune allusion à l’assassinat du député socialiste Matteotti.

Cet assassinat a été commis par les agents du Conseil Suprême Fasciste qui voulait éviter les révélations dangereuses que Matteotti devait faire sur là corruption du haut monde fasciste.

Nous regrettons que la presse de toutes les opinions n’ait pas senti que le crime devait être réprouvé par tons les gens honnêtes puisqu’il s’est trouvé en Belgique une revue Catholique pour déclarer que l’assassinat de Matteotti était un crime maladroit... Comme s’il existait des crimes adroits !...




Documents sur le fascisme

Voici quelques extraits d’articles auxquels Fernet fait allusion dans son article sur le Fascisme.

Nous possédons toute la documentation sur la « Faisceau Belge » mais le papier, est trop cher pour que nous le gâchions à insérer les tartarinades de ces « macaronisants. »

La terreur fasciste

Les troupes fascistes renferment certains éléments que la lutte électorale et le succès récent de la liste nationale entraînent aux excès les plus odieux : ils pillent, brûlent, saccagent les établissements, qui leur déplaisent, maltraitent ou assassinent les personnes qui ne sont pas dans leurs idées et il est difficile, sinon impossible, d’obtenir la protection de la loi et de la police contre leurs méfaits et leurs menaces. Ces faits ne sont plus des exceptions rares ; ils se multiplient sur tous les points du territoire avec une rapidité si inquiétante, qu’on ne saurait les considérer comme des incidents, dans la fermentation qui travaille l’Italie.

Un jour, malgré la vigilance de la censure, on apprend une série d’actes de banditisme. A Monza, une imprimerie est détruite ; dix machines plates mises hors de service ; les caractères jetés en désordre sur le sol et dans la rue. De là, les fascistes passent au cercle Saint Jean ; ils s’attaquent à tout ; mobilier, chaises, bibliothèque : une statue de saint François d’Assises défend la salle, ils la décapitent et la traînent sur la voie publique.

A Césario-Maderno, un parti de fascistes, armés de fusils, arrivent en camion et pillent la coopérative; d’autres occupent celle d’Inzago, détruisent celle de Cesate, dévastent celle de Robbiano, envahissent celles de Varedo et de Carate-Brianza.

A Rhô, ils mettent le feu à l’oratoire et, pour mieux réussir, y versent du pétrole et de la benzine ; ils pillent et incendient l’oratoire de Turro, le cercle de Badia à Ripoli, blessent de jeunes catholiques à Mestre, malmènent le président du cercle à Bertinoro, rouent de coups le curé d’Alberola, près Plaisance. Des contrées entières sont menacées de raids semblables. Les coopératives flambent ou sont mises à sac. Pinzago, Baraggia di Brugherio, Santa di Monza, Vedano al Lambro, Verano-Brianza. Lcsmo, Bellusco, Busnago, les noms se pressent et se heurtent ; partout la même folie de destruction, les mêmes abus de force, les mêmes mauvais traitements. En vain invoque-t-on la loi ; en vain appelle-t-on la police. A Monza, les catholiques avertis du raid fasciste, avaient à plusieurs reprises demandé secours ; après de multiples réclamations, ils virent arriver trois carabiniers que les chemises noires désarmèrent sans résistance.

Le lendemain on apprend une nouvelle liste de méfaits et, sur les crimes précédents, de plus amples détails. A Cislago, arrivent en camion huit fascistes masqués ; ils pénètrent dans la coopérative et y placent-une bombe qui la détruit. A Bruzzano et à Sacconago, le cercle catholique est envahi et détruit ; à Bescaldina, c’est la. cercle de l’Union vinicole. A Costa-Lambro, un camion chargé de fascistes s’arrête près de la coopérative ; les bandits enfoncent les portes, vident les sacs de farine, aspergent le tout de pétrole et continuent leurs dévastations. Les mêmes excès sont signalés à Cernusco sul Navigljo, à Castellazo di Bollate, à Barlassina, à Pogliano, à Cammago, à San Pietro all’Olmo. D’autres sièges encore sont envahis ou détruits; la terreur est telle que les nouvelles ne sont données qu'à mots couverts. A Celleri di Carpaneto et à Travezzano, dans la région de Plaisance, des prêtres subissent d’odieux traitements.

Et le jour suivant, la liste s’allongera : ce sera la Casa Pio X attaquée à Milan, l’assaut donné à l’Union de Gorla Minore, un attentat contre des journalistes et, ainsi de suite.

La Croix, du 17-4-24.

Il faut bien reconnaître que la répression n’a pas le même caractère de rapidité, de généralité, de vigueur que les délits. On dirait que le pouvoir central hésite, ou qu’il doute de lui-même, ou qu’il ne trouve pas autour de lui un grand empressement à le seconder en ces matières, comme si d’aucuns n’étaient pas fâchés de laisser détruire par des gens irresponsables ce qu’ils n’osent pas toucher eux-mêmes.

Loin du centre, c’est pire. Le maître de Crémone — l’honorable Farinacci — qui est un des plus puissants organisateurs des milices fascistes, n’a pas craint d’applaudir à ces déplorables violences ; « Ce que font présentement les fascistes dans la province de Milan, ose-t-il écrire dans son journal, est à nos yeux pleinement justifié. Nous ne formulerions volontiers qu’un reproche : c’est qu’il eût été beaucoup plus salutaire d’agir beaucoup plus vite. »

En faut-il induire que, pour le temps des élections, on a laissé libre carrière à certains instincts de violence et à certaines passions anticléricales qu’on avait commencé à brider ?

La Croix, du 23-4-24.

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Et voici la fameuse convocation du Conseil Suprême du Fascisme Belge :
Bruxelles, 7 avril 1924.
FAISCEAU BELGE
Conseil Suprême
Fasciste,
Le Conseil Suprême, ayant constaté votre absence non motivée à la réunion du 6 avril, vous donne l'ordre formel de vous trouver à la Réunion Obligatoire de la 4ème section qui se tiendra jeudi prochain, 10 avril 1924, au local, 18, rue du Midi, à 20 1/2 heures.
Des communications de très haute importance devant vous y être faites.
Agréez, M , nos salutations fascistes.
Pour le Conseil Suprême :
L’Adjudant-Major de la Milice, P.O.
L. van LOO.
Le Chef de la Milice, van der MEERSCH.
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SOURCE

Jeunesse Ouvrière, N° 7, juillet 1924.