ÊTRE ANCIEN...
Lorsque l’image de l’Institut se présente à nous, pourquoi, inconsciemment, notre souvenir se porte-t-il vers les bonnes farces, les chahuts, les amusements du bon vieux temps ?... Et pourquoi avons-nous une sorte de honte à nous en rappeler les heures les meilleures et les plus douces ?
Revenons faire une visite d’ami à notre splendide chapelle, un pèlerinage d’ancien fidèle, désireux de revivre les saines et nobles émotions de jadis.
Avant d’entrer, ayons soin de nous dépouiller de notre morgue et de notre expérience. Entrons, agenouillons-nous et méditons. Egrenons, une par une, les heures passées dans cette bonne chapelle, rappelons-nous la ferveur do nos communions, lés serments qui les ont suivies, écoutons les échos attardés des sermons pleins de flamme que parfois nous qualifiâmes irrévérencieusement. Puis comparons notre vie depuis. Qu’avons-nous réalisé de nos désirs de bien faire, de mieux faire ? Soupesons nos efforts, mesurons nos actes et si nous les trouvons minimes, mesquins, sachons-nous ressaisir à la lueur de cet examen loyal et sincère.
Ne disons pas : à quoi bon remuer ces rêves de gosses ? Non, n’oublions jamais que la foi reçue nous devons la faire fructifier, la dilater et qu’il nous est interdit, à n’importe quelle heure de la vie, de tolérer son émiettement, sa diminution, sa stagnation. Ne cessons pas, parce que soldats, de continuer les traditions de l’Institut, c’est-à-dire, d’être des chrétiens d’action.
Ayons une foi de soldat, lumineuse cl débordante. Ne soyons pas de ces jeunes qui en s’abordant disent avec un soupir :
« Trois ans ! mon cher, comme l’on devient vieux ! Quelle résignation honteuse et quelle détresse n’est-ce pas ? Se sentir vieux alors que nous pouvons rester jeunes, forts, ardents en venant boire à pleines lèvres aux sources intarissables de la Foi. N’ayons pas à notre âge de ces paroles de blasés qui sont « finis » et si nous sommes meurtris, accablés, lassés, si nous regrettons de ne plus sentir brûler en nous la flamme de l’apostolat, si nous voulons enfin devenir ce que nous promettions d’être, sachons ouvrir l’Evangile.
Laissons là nos romans de dix-neuf sous et ouvrons ce livre où le clinquant fait place au tangible, au réel.
Nous y trouverons notre modèle, des exemples à suivre, les moyens efficaces de supprimer tout découragement, d’augmenter notre foi, notre piété, notre ferveur.
Si nous agissons ainsi, nous retrouverons chaque dimanche à la sainte messe la foi qui nous embrasait, lorsque nous priions dans notre radieuse chapelle de Saint-Louis.
L’honneur de se dire ancien de Saint-Louis ne consiste pas à faire miroiter aux yeux des autres l’éclat d’un établissement, renommé pour sa gloire et sa valeur, mais il réside dans la continuation d’un passé que nos prédécesseurs ont. irradié de foi, et dans l’entier accomplissement de nos devoirs de croyants.
Que la vie nous soit accueillante ou cruelle, nous aurons tous nos heures de réminiscence... Sachons éviter qu’elles soient assombries et empoisonnées par la vision de notre infidélité et de notre ingratitude.
Epargnons à nos bons et dévoués « profs » dont nous aimons à rappeler le zèle, les « manies » et même les sévérités, l’amertume de dire un jour : « Un tel... c’était un bon garçon, dommage qu’il ait flanché. »
Fernand Tonnet
SOURCE
Revue de Saint-Louis en campagne, 1 juin 1917
https://hetarchief.be/nl/media/revue-de-saint-louis-en-campagne/m1dIgVc8ALACQWLKNG