1921 05 14 - Cardijn à Tonnet

CARDIJN à TONNET, s.l. (14 mai? 1921) (1)

L’abbé Cardijn transmet à Fernand Tonnet quelques indications au sujet des œuvres féminines, du prochain numéro de La Jeunesse Syndicaliste, et de la Semaine sociale des Étudiants catholiques.

Cher Fernand,

Le numéro de La Jeunesse Syndicaliste est très bien... L’article aussi. Encore un peu plus jeune ! ! du « ni vu, ni connu ! ! ». Plus de sainte audace ! Plus de sainte ambition ! Le monde ne sera sauvé que par cela! Ici n’arrivent que La Nation belge et le Laatste Nieuws. C’est toute la nourriture spirituelle de nos « Jass » d’ici (2) ! J’ai déjà cru écrire quelques articles virulents dans Le Démocrate. Mais ce sera pour plus tard ! Mademoiselle Ectors m’a écrit ses appréhensions. Comment n’a-t-elle pas été directement chez Madame Carton et chez Wauters (3).

Vous verrez, ce sont tous ces intermédiaires qui empêchent une solution. Elle doit apprendre à aller droit au but au lieu de prendre tous ces détours! Mon Dieu! Que ces temps derniers elle a été fatiguée... pour ne pas dire plus ! J’espère que la fête de demain lui fera du bien, comme à nous tous ! Plus de donation entière, absolue ! Oh ! oui, plus de sainte audace et de sainte ambition! Mais nous devons encore beaucoup souffrir et pour cela être généreux dans l’acceptation de la souffrance ! Que le Saint-Esprit vous illumine tous ! Merci de votre bonne lettre et des quelques mots d’Alice (4) !

Il est évident que tout ce que je vous écris compte aussi pour elle. J’espère que vous parviendrez malgré tout à me ramener le petit Jean. Pour cela notre vie devrait encore pouvoir être autrement conditionnée ! Le P. ...(5) Enfin, on verra ! Prions beaucoup et soyons pleins d’espoir. Aujourd’hui, j’ai eu de la fièvre ! Cela ira mieux demain ! N’oubliez pas un article sur « les affiches » dans votre prochain numéro de La Jeunesse Syndicaliste (6) ! La Revue catholique des Idées et des Faits ne vous parvient plus sans doute ! Quand toutes les réponses pour la Semaine sociale seront rentrées, refaites un programme définitif avec la liste des professeurs7.

Qu’Alice continue ses enquêtes et n’oublie pas d’annoter tous les jours quelques détails. Montons de plus en plus dans cette vie de complète absorption par l’apostolat. Au revoir ! Bien des compliments lundi à tous les jeunes syndicalistes8.

Cordialement à vous. Jos. Cardijn.

(Év. Tournai, Fds F. Tonnet, B7 ; in-40 r°v°, manus Cardijn).

Notes

(1) Cette lettre doit être postérieure au 25 mars 1921, date du premier numéro de la Revue catholique des Idées et des Faits citée ici  ; par ailleurs, la Semaine sociale des Étudiants catholiques évoquée par l’abbé Cardijn eut lieu du n au 15 octobre 1921 et l’article sur « les affiches » parut dans le numéro  ’octobre 1921 de la Jeunesse Syndicaliste. Si la « fête de demain » était bien celle de la Pentecôte — « Que le Saint-Esprit vous illumine tous » — cette lettre aurait dû être écrite le 14 mai 1921. Cette date est d’autant plus probable que la présence de l’abbé Cardijn à Bruxelles est signalée par plusieurs documents au cours de tous les autres mois de l’année 1921.

(2) « Jass » : terme couramment utilisé à l’époque en Belgique pour désigner les miliciens. Sans doute l’abbé Cardijn se trouve-t-il à nouveau dans un hôpital militaire, comme au cours de l’hiver 1919-1920.

(3) Dames de la bourgoisie de la paroisse Notre-Dame de Laeken : Madame Julien Carton, née Bellina Van Laere, et Madame Paul Wauters, née Mathilde de Locht.

(4) Alice Willems, née en 1898, avait été membre du « Syndicat des petites apprenties » à Laeken avant la guerre  ; ancienne lingère, elle devint propagandiste du « Syndicat des ouvrières de fabriques » de l’arrondissement de Bruxelles après la guerre. Pour exposer concrètement la situation de la jeunesse salariée, elle donna à la Semaine sociale des Étudiants catholiques en octobre 1921 les résultats d’une série d’enquêtes effectuées selon les indications de l’abbé Cardijn. Alice Willems avait ainsi vivement frappé les participants à cette Semaine sociale (Déclarations de Monsieur Jacques Meert, du professeur J. Lavalleye, et de Mademoiselle S. Van der Jeugd en 1967).

(5) Illisible.

(6) L’article parut dans le numéro d’octobre 1921 en première et seconde pages sous le titre La guerre aux saletés.

(7) Il s’agit de la seconde Semaine sociale des Étudiants catholique, organisée annuellement par la « Jeunesse Sociale Catholique ». Plusieurs professeurs de l’Université de Louvain y participèrent, et c’est le cardinal Mercier qui prononça le 15 octobre 1921 l’allocution de clôture (Mercier, D.J., L’apostolat social de la Jeunesse catholique, Louvain, 1921, in-160, 16 p.).

(8) La Jeunesse Syndicaliste tenait tous les lundis soirs depuis sa fondation son « Cercle d’Etudes central », et il était rare que l’abbé Cardijn n’y fût pas.

SOURCE

Marc Walckiers, Sources inédites relatives aux débuts de la JOC, Nauwelaerts, Louvain - Paris, 1970.