1923 - N° 12 - Mgr Pottier

Monseigneur POTTIER

Le 25 novembre dernier s’éteignait, à Rome, une existence qui fut toute vouée à la cause du peuple.

Quelques articles brefs dans les journaux, en deuxième ou en troisième page, ont annoncé la mort de Monseigneur Pottier. Puis, comme les morts vont vite... l’on parle d’autre chose.

Et pourtant quels souvenirs ce nom n’évoque-t-il pas ?

Il est bon que les jeunes ouvriers d’aujourd’hui, qui bénéficient en somme de toute une législation sociale, qui vivent dans de meilleures conditions matérielles, sachent qu’ils doivent cela à l’ardent abbé Pottier. C’était en 1886, année restée affreusement célèbre clans nos contrées industrielles, l’es grèves, durement réprimées, avaient coûté des victimes à la classe ouvrière, l’excitation était grande et l’émeute grondait.

L’on raconte que des pierres jetées dans les fenêtres chez l’abbé Pottier lui montrèrent l’âpreté des luttes sociales et le jeune professeur du Grand Séminaire se mit à étudier les revendications ouvrières.

Dès lors commença une vie de combat. Pendant des années, l’abbé Pottier se dépensa à travers toute la province de Liège pour y fonder des œuvres ouvrières chrétiennes, organisa des grandes réunions populaires où il définissait le programme de la Démocratie chrétienne.

Les idées de l’abbé Pottier rencontrèrent parmi les catholiques d’alors, de terribles oppositions. Il ne sied point que, dans ces quelques lignes, qu’un jeune écrit pour des jeunes, à la mémoire du promoteur du mouvement social catholique en Belgique, la boue du passé soit ramenée au jour. Qu’importent les manœuvres qui furent employées contre lui, qu’importent les calomnies qu’on sema sous ses pas, qu’importent les désertions de plusieurs de ses premiers disciples... Laissons là ces misères.

Pour nous, Monseigneur Pottier restera l’apôtre audacieux qui dans le dernier quart de ce XIXe siècle si rouge de sang ouvrier, sut s’avancer vers les masses ouvrières pour leur parler de douceur, de paix, de fraternité, et aussi de justice. Et quand, dans les réunions tumultueuses du pays de Liège ou de Verviers sa maigre silhouette s’avançait vers les auditeurs pour répondre à des contradicteurs souvent haineux et violents, il se faisait un silence de respect et de sympathie.

Les anciens de ce temps nous raconteront ces heures héroïques, je l’espère, dans le livre qu’il faut qu’on écrive bien vite à la mémoire de l’Abbé Pottier.

Alors nous verrons que les découragements et les douleurs qui nous assaillent parfois doivent être supportées avec vaillance et générosité.

Monseigneur Pottier nous donnera l’exemple et continuera de nous tracer la voie.

FERNET.

SOURCE

La Jeunesse Syndicaliste, N° 12, décembre 1923.