1923 - N° 3 - A la caserne

A LA CASERNE.

Visite médicale !...

On sonne le rapport du médecin...

Dans le couloir des chambrées, une grosse voix : « Les malades, rassemblement ! » Tous se rangent devant le brancardier de compagnie; tous, oui, même ceux qui se sont déclarés malades au lit le matin. L’infirmier a passé prendre leur température dans la matinée et quelque fut le résultat : « Vous descendrez, n’est-ce pas ! » Alors, comme un grenadier, on tire son plan et on va quand même, le mieux qu’on peut.

La salle d’attente ; une place beaucoup trop étroite où l’odeur seule souvent vous rendrait malade; peu d’air, très peu de lumière, pas de feu et pour attendre, pendant une, deux heures parfois, un pauvre banc à six places, occupé par les premiers arrivants. Les autres s’appuient partout, forment des groupes et causent.

Réglementairement, la visite médicale doit avoir lieu le matin avant l’exercice pour exempter les incapables ; à midi ou plus tard le médecin arrive, s’installe ; et par compagnie, on entre.

Un inutile paravent isole médecin et malade. On épelle les noms et chacun à son tour vient faire, en public, son boniment : « Je me suis forcé un nerf à l’exercice, je ne sais pas marcher ». Sans examen de la partie froissée, le docteur prescrit le remède universel : une aspirine. C’est invraisemblable, direz-vous ; le vrai l’est parfois.

Le suivant approche, tout penaud, et bégaye sa plainte. « Donnez-lui des comprimés X... » Chacun passe chez l’infirmier recevoir sa ration de drogues sans aucune indication sur leur emploi.

Dans le cahier de rapport, les notes se suivent : Vu et soigné..., exempt de marche, d’exercice, de service..., absent... Absent, oui, celui qui n’aura pas répondu assez vite, aura été retenu par une corvée quelconque, aura essayé une carotte; absent, celui qui n’aura pas su quitter le lit malgré le jugement optimiste de l’infirmier et dont personne ne s’inquiétera plus, si ce n’est quelque camarade charitable.

On rejoint sa compagnie joyeux ou triste suivant qu’on a réussi ou non à se faire prendre au sérieux. Au réfectoire un dîner froid attend, si bien entendu on a réservé une part et, en avalant péniblement les patates gélatineuses noyées dans la sauce et le roast-beef (!?) quelquefois tendre, on fait des rêves noirs.

Un Ancien.

SOURCE

La Jeunesse Syndicaliste, N° 3, mars 1923.